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Une autre idée du casse-croûte

Manger dehors, dans la rue ou sur le pouce, est tellement souvent synonyme de compromis. Compromis de santé, d’éthique, d’écologie ; c’est emballé, c’est transformé à défaut d’être sucré (fruit), mais d’ailleurs c’est souvent les deux, et si c’est salé c’est servi avec des ustensile jetables, pour compenser.

Avec les petits déjeuners, la street-food et les en-cas sont probablement les « moments nutritifs » les plus conventionnés et normatifs des sociétés occidentalisées ; ce n’est pas une fatalité.

Je ne connaissais pas et je ne connais pas encore de meilleure chère que celle d’un repas rustique. Avec du laitage, des œufs, des herbes, du fromage, du pain bis et du vin passable, on est toujours sûr de me bien régaler (…). Mes poires, ma guinca, mon fromage, mes grisses et quelques verres d’un gros vin de Montferrat à couper par tranches, me rendaient le plus heureux des gourmands.
Rousseau, Confessions

Mais s’il y avait de nombreux bénéfices à repenser un peu ces instants et ces mécanismes? Si nous permettre de nous imaginer « autre chose » pouvait non seulement nous profiter mais aussi profiter à l’environnement et à d’autres?

Ceci est la micro-histoire d’avoir découvert que c’est possible de demander un morceau de poisson cru chez le poissonnier, de demander à la voisine, traiteure haïtienne, de l’assaisonner, et d’aller manger ça sur un banc. D’avoir découvert que pour très peu cher, on peut être rassasié.e sans additifs et sans sucre, avec une empreinte carbone raisonnable, solidairement avec des producteurs, de manière beaucoup plus flexible au niveau des restrictions et de l’éthique alimentaires, et même en profiter pour diversifier son alimentation, et tout ça sans générer de déchets ou presque.

Évidemment ce n’est pas forcément le cas, mais ça peut beaucoup plus facilement l’être en choisissant des aliments entiers, peu transformés, ou ne contenant pas de blé blanc (synonyme d’uniformisation des propositions et d’un certain style d’aliment) qu’en se coltinant aux formules classiques.

Celles-ci pourraient très vite être répertoriées car elles ne brillent pas par leur diversité: en général, pour déjeuner dehors, les gens cherchent des sandwichs, wraps ou autre proposition de ce genre, se tournant éventuellement vers des plats à emporter mais vu que 99% de la population n’a pas de tupperware dans son sac « au cas où », ça équivaut systématiquement à une fiesta plus ou moins catastrophique de déchets. Pour un en-cas, on se tourne vers les fruits, parfois, ou vers les viennoiseries et autre propositions sucrées et glutenifiées — chocolat et confiserie sous toutes leurs formes, gâteaux et autres — et éventuellement des snack salés s’il sont étiquetés comme tels (les chips ça passe). On a souvent le sentiment d’être contraint au sucré car beaucoup de cafés, par exemple, ne proposent que ça en dehors du service: peu de chance de trouver des chaussons aux épinards sur le comptoir à côté du carrot cake. Pareillement, les boulangeries françaises proposent toujours des gammes énormément plus étendues de sucré que de salé, ce qui pose d’autant plus problème que les goûts en la matière sont plus exigeants donc le choix s’en voit encore plus restreint. (Si on ne veut manger ni lardons ni demi-baguette, on est souvent laissés sur notre faim. Littéralement.)

Pookie's big day, book by Ivy Wallace

Mais alors, en attendant que les propositions de street-food créative, végétariennes et pas forcément à base de blé standardisé, se multiplient, que manger?
Eh bien heureusement, quand on déconstruit un peu ses à-prioris, quand on s’intéresse aux autres, aux cultures diverses présentes tout autour de nous, quand on apprend des choses, aussi bien théoriques (« Ça se mange? ») que pratiques (« C’est comme ça que ça s’ouvre? »), on se rend compte qu’il existe une infinité d’options.

Explorons un peu…


Pour rappel, moins les produits sont transformés (pasteurisés, lavés, désodorisés, cuits etc), plus leur empreinte carbone est basse; chaque étape de fabrication correspond à une dépense d’énergie, généralement fossile. Ainsi un lait cru est plus « écologique » qu’un lait écrémé UHT, et une tranche de fromage, quel qu’il soit, est plus « écologique » qu’un feuilleté au fromage. Donc revenir à des aliments plus entiers, au moins de temps à autres, est fondamentalement plus durable. C’est aussi de renouer avec de très anciennes traditions et de retrouver ainsi le goût de la variété, de la qualité, et tout simplement le goût intrinsèque des choses, que l’on a tendance, à force, d’oublier. Le déjeuner antique romain de fruits, noix, fromage, pain aurait bien des choses à nous apprendre…

Heureusement, si vous essayez de limiter vos déchets vous aurez de grandes chances de consommer mieux généralement car les options « problématiques » sont souvent emballées; évidemment ce n’est pas du tout une règle, mais c’est souvent le cas.

Voici donc concrètement quelques exemples d’aliments vers lesquels vous pourriez vous tourner la prochaine fois que vous voulez manger sur le pouce:

  • Fromage à la coupe (le top : de saison et au lait cru, cf. le podcast d’Écotable « Doit-on réduire notre consommation de fromage? » ; l’avantage c’est que quand on prend juste une tranche pour soi pour le déjeuner, on peut se permettre de taper dans le haut du panier niveau qualité car même une perle à 40€/kg ne vous coutera que quelques euros, certainement moins qu’un sandwich industriel, même). Sinon, d’autres infos sur les fromages au lait cru dans cet épisode de l’excellent podcast Casseroles, de Binge Audio:
  • Charcuterie artisanale (pas rose fluo, c’est à dire sans nitrites etc et d’animaux élevés convenablement, sur une ferme en broutant de l’herbe — pour anglophones, article très intéressant du Guardian à ce sujet, disponible aussi en version lue en podcast). Mon favori personnel : 10cm de boudin noir, à manger direct (oui, c’est déjà cuit, et très bon froid), en mode version très organique des yaourts liquides industriels pour le côté « à sortir de son emballage/boyeau ».
  • En été, pour moi, parce que c’est quand même très froid comme aliment, du poisson cru de chez le poissonnier, bien bien frais — dire que c’est pour manger cru. Après tout on mange bien des sushis non?
  • Les traiteurs de toutes nationalités, présents sur beaucoup de marchés et dans beaucoup de villes — et j’adore les fatayers aux épinards, mais s’il-vous plaît, ne vous arrêtez pas à la nourriture libanaise : quel désolation de voir toujours sur les marchés une belle file pour le stand libanais et personne pour goûter de l’aloco (bananes plantain frites — tellement réchauffant à manger sur le pouce), les pastels de légumes ou akras de morue du stand antillais avoisinant. Et pensez à réévaluer votre besoin de choses jetables (est-ce que vous avez vraiment besoin d’une fourchette pour manger ce falafel, pourtant tenu dans sa pita? Ou vraiment besoin d’un boîte pour ce beignet de courgette que vous allez engloutir dans 10 secondes ? Ou d’un papier et d’un scotch autour de ce morceau de fromage que vous allez prendre à la main de toutes façons dans 10 secondes également?).
    Pensez aussi que même en tant que végétariens, par exemple, ou « sans-gluten », vous pouvez souvent trouver des galettes de pommes de terres, beignets de légumes et autres dans les boucheries.
  • Les épiceries « exotiques » : ce problème de manque d’options saines et/ou éthiques se pose surtout dès que l’on sort des endroits type centre-ville assez aisé et bien loti en terme de commerces de bouche. Quand je cherchais à manger sur mon lieu de travail, en banlieue parisienne, j’ai découvert que sous les apparentes restrictions se cachait une belle opportunité de s’ouvrir aux autres… Avez-vous pensé franchir le pas d’une épicerie exotique et voir ce qu’il y avait à y découvrir de comestible ? Pourquoi ne pas délaisser le croissant, pour une fois, et essayer un bâton de manioc fermenté (chikwangue, bobolo ou miondo, entre autres appellations, en fonction de l’origine et de la forme) ? Votre microbiote vous en remerciera certainement, et vous pourrez vous coucher avec une méconnaissance en moins de la culture congolaise. Sur cette même note, transition vers une autre catégorie…
  • Le maïs ou les marrons, selon la saison, des vendeurs ambulants, à la sauvette dans les grandes villes ou dans les cités — une manière de soutenir les débrouillard.e.s à l’initiative de ces petits business — en en petit stand plus établi, moins fréquemment mais ailleurs.
  • Les légumes crus à croquer (oui il n’y a pas que les fruits qui se mangent tels quels, on l’oublie souvent) et à découvrir potentiellement par la même occasion — vous avez déjà essayé un gombo cru? C’est très rafraîchissant (Ou essayez une noix de kola, vous me direz… Il paraît qu’on s’habitue à l’astringence) — ou alors les fruits un peu alternatifs: fruit-légume en été (tomate, à tout hasard), ou encore ceux qui peuvent constituer un repas à eux tous seuls comme la noix de coco, tout à fait « ouvrable » avec pour seuls outils un bord de trottoir bien solide et la technique adéquate, ou l’avocat (les seuls moments où je me permets justement d’en acheter sont justement celles où j’estime que c’est un moindre mal vu les choix qui s’offrent à moi à ce moment-là).
    Rajouter à la liste les graines, noix et autres fruits secs que l’on peut trouver dans les magasins de vrac ou chez beaucoup d’épicier, traiteurs ou épiceries fines.
  • Bon pain au levain, spécial (garni) ou pas (si vous avez la chance d’être dans un lieu qui abrite des artisans qui travaillent des variétés anciennes de farines, du bio et autre, profitez-en — pour savoir pourquoi, veuillez attendre patiemment l’article imminent sur le sujet ! Mais en gros les mots-clés: santé, écologie, rendements, biodiversité, goût.)

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